samedi 30 novembre 2024

Le circuit Gabriel Pagnerre à La Madeleine

 

Ce circuit découverte des constructions de Gabriel Pagnerre a réuni une trentaine de participants le samedi 30 novembre 2024. A l'occasion des 150 ans de la naissance de l'architecte, l'idée était de faire découvrir ses réalisations dans le berceau familial.

Clichés de Thomas Sanchez, Rosine Coussemaecker et Jacques Desbarbieux ©

Une trentaine de participants des deux associations (des Amis de la Villa Cavrois et des Haut de Mons-en-Barœul) s'étaient inscrit pour se retrouver au point de départ du circuit au milieu de la rue Jean Bart à La Madeleine devant le n° 50.



La construction du n° 50/52 rue Jean Bart à La Madeleine possède cette plaque qui existe en 4 exemplaires, dont 3 à La Madeleine et une seule à Mons-en-Barœul


Quel étonnement de découvrir cette maison très simple au n° 40 de la rue Jean Bart où décédera Lucien Gabriel Louis Pagnerre, le père de l'architecte, le 14 juin 1922, surtout en comparaison des réalisations du fils dans cette même rue aux n° 50/52 et n° 29 (Les Nénuphars).


Les Nénuphars au n° 29 de la rue Jean Bart à La Madeleine, une réalisation inspirée de l'art nouveau nordique avec ses figures zoomorphes


Au n° 53, une des 4 maisons de la rue Berthelot


L'immeuble de rapport des n° 231/233 Avenue de la République (Grand Boulevard) à l'angle de la rue Berthelot, avec son important bow-window.


Les plans signés de Gabriel Pagnerre du n° 57 rue de Paris. Cette réalisation qui était attribuée à Gabriel Pagnerre dans l'ouvrage " Le Siècle de l'éclectisme " est donc bien de lui officiellement.



L'habitation du n° 25 de la rue Faidherbe qui constitue un décor de théâtre conçu par Gabriel Pagnerre à la demande de la propriétaire d'en face


Gabriel Pagnerre est présent (son nom a été inscrit a son côté) sur cette carte postale photo dont le cliché a été pris devant les maisons qu'il a construite à l'angle des rues Aristide Briand et Faidherbe à La Madeleine.



Les Iris au n° 26 rue Faidherbe


Le groupe échelonné rue du Docteur Legay


Les Fauvettes, 25 rue du Docteur Legay

Ce circuit s'est terminé au n° 121 avenue de la République (Grand Boulevard)


La façade du n° 121 avenue de la République à La Madeleine. Cette réalisation de Gabriel Pagnerre dans le style géométrique art nouveau date de 1905, 4 années avant l'inauguration du Grand Boulevard. Elle vient d'être repeinte en bleu avec bonheur malgré la difficulté des services de la ville qui ne comprenait pas le choix de cette couleur trop balnéaire ! C'était méconnaître les nombreuses références dans l'œuvre de Gabriel Pagnerre originaire du littoral ... Un coloris parfaitement accepté à Mons-en-Barœul pour la Villa Saint Luc qui vient d'être repeinte par les nouveaux propriétaires Thomas Sanchez et Benoît Bonnaillie.



L'arc de cercle de la fenêtre donnant sur l'avenue de la République qui reprend de nombreux symboles franc maçonniques dans les petits bois. On retrouve les chiffres 3, 5 et 7 avec les petits carreaux jaunes. Une couleur que l'architecte appréciait particulièrement pour compenser le ciel gris septentrional.



Les superbes vitraux de la porte vitrée donnant sur le jardin apportent une belle luminosité à cette pièce. Ils associent des lignes géométriques de type coup de fouet, typique de la période art nouveau, comme le sont les dessins végétaux avec des fleurs et des feuillages stylisés traités également de façon géométrique plus proche des influences bruxelloise et nancéienne dans cette période architecturale.



Le carrelage en carreaux de fibro-ciment de l'entrée. On retrouve le même modèle dans d'autres réalisations de l'architecte. Là aussi le style géométrique floral est typique de cette période architecturale de l'art nouveau.



Une partie du groupe de la trentaine de participants lors de ce circuit de découverte du berceau de la famille Pagnerre à la Madeleine.


Jean-Jacques Giard pose sur le pas de sa porte avec une petite partie du groupe de participants. Merci à lui et son épouse de nous avoir ouvert les portes du n° 121 avenue de la République à la Madeleine à l'issue de ce circuit découverte.


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samedi 8 juin 2024

L'exposition impressionniste au MUba

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L'exposition au MUba

Peindre la nature

Claude Monet (1840 - 1926)

Huile sur toile

Portrait de l'artiste (1907) 

Dépôt du musée d’Orsay

Claude Monet réalise à 77 ans cet auto-portait singulier dans la production d’un artiste qui a consacré sa vie à la peinture de paysage. Les touches sont juxtaposées et la gamme colorée de verts, de jaunes et de violets rappelle celle de la série des Nymphéas peinte à la même époque.


Paysages impressionnistes du musée d’Orsay

 

Le 15 avril 1874, au 35, boulevard des Capucines à Paris, ouvrait la première exposition du groupe impressionniste.


En 2024, le MUba Eugène Leroy et le musée d'Orsay s'associent pour célébrer les cent cinquante ans de la naissance de ce mouvement par une autre exposition exceptionnelle dédiée à l'art du paysage, genre pictural au cœur de l'aventure impressionniste.


Au fil d'un parcours chronologique et thématique, près de soixante chefs-d'œuvre issus des collections nationales signés Monet, Renoir, Sisley, Pissarro ou Cézanne racontent l'histoire de ce bouleversement dans la représentation de la nature, à une époque où celle-ci se transforme sous les effets de l'urbanisation, de l'industrialisation et de la révolution des transports.


De leurs débuts sous le Second Empire (1852-1870) aux derniers développements de l'art de Monet au 20ème siècle, les peintres impressionnistes ont exploré nombre de sujets et de motifs, parmi lesquels la ville et sa périphérie, les jardins et les campagnes, les bords de mer et les rivières, au fil des saisons et des heures du jour.


S'immergeant dans la nature, nourris par la pratique du plein air, ils ont inventé une « nouvelle peinture », pour reprendre les mots du critique Louis Edmond Duranty, qui est aussi une nouvelle manière de voir le monde.


Leurs innovations ont ouvert la voie à d'autres audaces picturales, immédiatement après eux comme en témoigne la dernière section de l'exposition, ainsi qu'aux 20ème et 21ème siècles, comme le suggère la suite du parcours dans les collections permanentes.


Dans l'écrin de la galerie 1930 du MUba, cette exposition conçue comme une promenade dans un paysage pictural, avec ses points de vue et ses perspectives, se propose de renouveler notre regard sur ces œuvres connues ou méconnues des collections du musée d'Orsay.



Charles-François Daubigny (1817 - 1878)

Moisson (1851)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay


Daubigny est un des premiers à montrer au Salon des compositions très ambitieuses, au sujet réaliste et peintes dans un style qui annonce les impressionnistes. Moisson, présenté au Salon de 1852 et acheté par l'État l'année suivante, est un de ses premiers succès. Malgré son grand format, l'œuvre est peinte avec une pâte épaisse et d'un geste large, gui donne par endroits le sentiment de l'esquisse. Elle vaut à l'artiste de nombreuses critiques - notamment celle de choisir des paysages « vulgaires ».


Vers l'impressionnisme


Les peintres qu'on rassemblera plus tard sous le nom d'« impressionnistes » appartiennent à une même génération d'artistes qui émergent au cours des années 1860 à Paris. Malgré leurs différences, ils ont en commun leur intérêt pour la représentation de la nature.


Convaincus qu'il leur faut être de leur temps et peindre le monde moderne, ils rejettent les conventions du paysage dit « historique », avec ses scènes mythologiques et sa nature recomposée en atelier, genre promu par l'École des beaux-arts et l'Académie qui dominent alors la vie artistique parisienne.


Depuis les années 1820-1830 pourtant, une autre génération de peintres a déjà entrepris de faire entrer la réalité dans la peinture de paysage. Séjournant pour certains dans le petit village de Barbizon, en bordure de la forêt de Fontainebleau, ces peintres dits de l'« école de Barbizon » (Millet, Rousseau ou Díaz de la Peña) révèlent la beauté des sous-bois de la forêt, des arbres, des rochers. Si leurs toiles sont souvent exécutées en atelier, elles ont pour point de départ des études en plein air.


À leur suite, des peintres comme Daubigny, puis Boudin ou Jongkind, font entrer cette spontanéité de l'esquisse et la clarté de leurs coloris dans des compositions désormais présentées au Salon des beaux-arts, et suscitent un fort intérêt chez les futurs impressionnistes. Leurs paysages, ceux des campagnes françaises ou des nouvelles stations balnéaires, imposent aussi des sujets nouveaux, résolument modernes.



Johan Barthold Jongkind (1819 - 1891)

En Hollande, les barques près du moulin (1868)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs du comte Isaac de Camondo, 1911


« C'est à [Jongkind] que je dus l'éducation définitive de mon œil », écrit Monet, qui le rencontre en 1862.

Grand aquarelliste, Jongkind introduit dans la peinture à l'huile des effets inédits de fluidité de la touche et de transparence des couleurs, comme dans ce tableau.

Réinterprétant la tradition hollandaise, il consacre la majeure partie de sa toile au ciel et à son reflet dans l'eau. Monet et les impressionnistes s'approprieront à leur tour cet héritage.



Paul Huet (1803 - 1869)

Ciel rose (non daté)

Huile sur carton

Paris, musée d'Orsay

Don Mme Henrotin, descendante de Paul Huet, 1985



Paul Huet (1803 - 1869)

La Lande (non daté)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay



Paul Huet (1803 - 1869)

Ciel d'orage (1856)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay



Eugène Boudin (1824 - 1898)

La Jetée de Deauville (1869)

Huile sur bois

Paris, musée d'Orsay

Legs du comte Isaac de Camondo, 1911



Eugène Boudin (1824 - 1898)

Le Déjeuner sur l'herbe (1866)

Huile sur bois

Paris, musée d'Orsay Don Mme Gisèle Rueff-Beghin, 1988


Monet doit beaucoup à Boudin, qu'il a rencontré dans sa jeunesse au Havre. Entièrement consacré à l'observation de la nature et à la peinture de paysage, Boudin encourage son jeune ami à travailler en extérieur pour conserver l'impression première.

À côté de ses scènes pittoresques de ports ou de bords de mer qui lui valent rapidement un certain succès commercial, il réalise de nombreuses études de ciel à l'huile ou au pastel. Le ciel de ce Déjeuner sur l'herbe, remarquable, a été peint avec une palette de tons tendres très variés.



François-Auguste Ravier (1814 - 1895)

Étang aux environs de Morestel (vers 1875)

Huile sur bois

Paris, musée d'Orsay Don Mlle Emma Thiollier, 1966



Frédéric Bazille (1841 - 1870)

Forêt de Fontainebleau (1865)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay Don Mme Fantin-Latour, 1905


Bazille et ses amis Monet, Sisley et Renoir fréquentent la forêt de Fontainebleau pour y réaliser des études ou des tableaux de Salon. Avec son observation précise de la végétation, sa palette réduite et sombre, sa quiétude, ce tableau témoigne de l'influence de Théodore Rousseau. Pourtant, l'œuvre est dépourvue du lyrisme caractéristique des peintres de Barbizon.

Au contraire, Bazille choisit un morceau de nature ordinaire, sans éléments pittoresques, et opte pour une composition sans véritable centre.


Claude Monet (1840 - 1926)

Cour de ferme en Normandie (vers 1863)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay, Legs M. et Mme Raymond Koechlin, 1931


Au fil de la Seine


Les impressionnistes, qui suivent l'exemple de leurs aînés en travaillant « sur le motif », cherchent à traduire les effets du plein air dans des peintures non plus considérées uniquement comme des ébauches ou des esquisses mais comme des œuvres achevées, exposées et signées. Pour ce faire, ils privilégient les couleurs claires, parfois vives, qu'ils appliquent en petites touches et de façon dynamique sur la toile, donnant le sentiment de saisir rapidement l'instant et leur impression face à la nature.


À la recherche de sujets modernes mais aussi de défis techniques, ils jettent leur dévolu sur la Seine, qui leur permet de représenter les effets mouvants de l'eau et du ciel, mais aussi des paysages marqués par l'activité humaine. Rurales et urbaines à la fois, les rives du fleuve évoluent à mesure que les usines et ateliers s'implantent et que le transport fluvial qui relie la capitale à l'ensemble du territoire s'intensifie. La Seine sert aussi de décor aux « parties de campagne » de Parisiens venus se détendre en partageant les nouveaux plaisirs en vogue comme le canotage. Vivant alors à Paris ou en proche banlieue, ces artistes se rencontrent régulièrement, échangent et peignent parfois côte à côte.


Très accessibles grâce au chemin de fer, les villages de Marly, Louveciennes, Bougival ou Argenteuil sont ainsi le théâtre de cette histoire d'amitié et de peinture.


L'audace des expérimentations plastiques et le choix de ces sujets nouveaux entraînent le rejet fréquent de leurs œuvres au Salon des beaux-arts au cours des annees 1860 et au début des années 1870. En 1873, le groupe prend l'initiative d'organiser à ses frais une exposition indépendante. Celle-ci ouvre en avril 1874, dans les ateliers du photographe Nadar, boulevard des Capucines à Paris.



Eugène Boudin (1824 - 1898)

Le Port du Havre, bassin de la Barre (1888)

Huile sur bois

Paris, musée d'Orsay

Legs James N.B. Hill, 1978



Claude Monet (1840 - 1926)

Argenteuil (1872)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay Legs M. et Mme Frédéric Lung, 1961


Comme deux miroirs, le ciel et l'eau se répondent dans ce paysage. Les coques, les mâts, les nuages se forment et se déforment dans l'eau. La matière fluide et les couleurs fondues traduisent le mouvement particulièrement recherché par Monet lorsqu'il s'installe dans son bateau-atelier conçu, comme celui de son aîné Daubigny, pour peindre au cœur même du motif. Argenteuil est alors un lieu de détente recherché des plaisanciers, amateurs de voile ou de canotage, qui inspirent Monet à de multiples reprises.



Camille Pissarro (1830 - 1903

La Seine à Port-Marly. Le lavoir (1872)

Huile sur toile

Paris, musée d’Orsay

Legs Gustave Caillebotte, 1894



Francisco Oller (1833 - 1917)

Bords de Seine (1810)

Huile sur carton

Paris, musée d'Orsay

Don du docteur R.J. Martinez, 1953



Alfred Sisley (1839 - 1899)

La Barque pendant l'inondation, Port-Marly (1876)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs du comte Isaac de Camondo, 1911


Le premier plan est ici entièrement consacré à l'eau.

Elle recouvre tout, inonde la berge jusqu'au seuil de la maison d'un marchand de vin et contraint les hommes à se déplacer en barque. La grande crue du printemps 1876 est un prétexte à l'exploration des reflets mouvants et fugaces de l'eau figurée par de larges touches horizontales. Sans outrance ou dramatisation, l'artiste restitue cette catastrophe par un paysage d'une grande sérénité à travers l'équilibre des formes et l'harmonie des tons.


Alfred Sisley (1839 - 1899)

La Seine à Suresnes (1877)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs Gustave Caillebotte, 1894


Camille Pissarro (1830 - 1903)

La Seine et le Louvre (1903)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs Enriqueta Alsop au nom du docteur Eduardo Mollard, 1972



Claude Monet (1840 - 1926)

La Seine à Port-Villez (vers 1890)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs du comte Isaac de Camondo, 1911


Au tournant des années 1890, Monet se concentre sur la traduction d'une intention expressive dans ses peintures. Il relâche sa touche et l'adapte selon les effets à produire. Le peintre réussit ainsi à rendre dans cette vue de la Seine le souffle du vent qui traverse les feuillages et brouille la surface de l'eau.


Jardins impressionnistes


La représentation des jardins dits d'agrément, dont l'usage se démocratise largement au 19e siècle avec le développement de la bourgeoisie, de la villégiature et des loisirs, est une composante essentielle de la peinture impressionniste et du paysage moderne.


Cette nature domestiquée, à l'échelle de l'homme, est alors à portée de main pour les artistes qui, privilégiant la peinture de plein air, prennent leurs sujets dans leur environnement quotidien, à Paris et dans les environs de la capitale.


Débarrassé de ses symboles religieux ou moraux, le jardin représente par les impressionnistes est d'abord un espace intime et protégé, un « morceau » de nature arrangé par l'homme citadin pour le simple plaisir de jouir de ce spectacle. Les jardins peints par Renoir ou Monet, à Chatou ou Argenteuil, sont ainsi parfois habités par les figures de leurs amis et famille.


À partir des années 1880, Caillebotte et Monet se distinguent par leur passion pour l'horticulture et deviennent de véritables peintres-jardiniers, aménageant au Petit-Gennevilliers et à Giverny d'immenses jardins « fleuristes » et prenant alors pour sujet ces paysages.


La densité et la luxuriance de la végétation sont remarquables dans les deux tableaux peints par Renoir à Chatou et à Alger, dans lesquels le point de vue devient immersif.



Camille Pissarro (1830 - 1903)

Coin de jardin à l'Hermitage. Pontoise (1877)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay Don Max et Rosy Kaganovitch, 1973



Gros plan sur le banc et les enfants


Auguste Renoir (1841 - 1919)

Champ de bananiers (1881)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Achat sur les fonds d'une donation anonyme canadienne, 1959

 

Lors de son premier séjour en Algérie, observant la ville blanche d'Alger depuis une hauteur, Renoir peint la plantation de bananiers d'un jardin botanique tropical aménagé selon la volonté du gouvernement français vers 1830. Il fait abstraction de tout contexte et donne à voir une nature luxuriante et édénique aux couleurs éblouissantes. La composition, très originale, est organisée en plusieurs bandes horizontales et sans véritable centre. La végétation semble s'étendre indéfiniment au-delà du cadre.



Auguste Renoir (1841 - 1919)

Pont du chemin de fer à Chatou (1881)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs Gustave Caillebotte, 1894


D'abord étourdi par la richesse de la palette, l'œil distingue progressivement les différents plans de la composition : le jardin au premier plan, les contours des marronniers, la barrière ouverte, la silhouette d'un homme, le pont de chemin de fer surplombant le petit bras de la Seine, la rangée de peupliers à l'arrière-plan. Ces éléments sont baignés d'une même lumière et dépeints de la même façon, sans distinction ni hiérarchie.



Gustave Caillebotte (1848 - 1894)

Arbre en fleurs (1882)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay Legs Marie-Jeanne Daurelle, 2019



Alfred Sisley (1839 - 1899)

Lisière de forêt au printemps (1885)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs Gustave Caillebotte, 1894



Camille Pissarro (1830 - 1903)

Printemps. Pruniers en fleurs (1877)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs Gustave Caillebotte, 1894


La silhouette serpentine d'un prunier rappelle l'estampe japonaise tandis que la profusion de délicates fleurs blanches annonce le printemps, le renouveau de la végétation et la clarté des beaux jours. Les multiples touches en matière, croisées ou superposées, jouent sur la transparence et l'opacité et accroissent la vibration de la lumière.



Alfred Sisley (1839 - 1899)

Un coin de bois aux Sablons (1883)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs du comte Isaac de Camondo, 1911


De hautes herbes et des arbres occupent le premier plan de ce tableau, structuré par les lignes des troncs, de leurs longues ombres au sol et des habitations.

Sisley varie librement sa touche, courte ou large, précise ou nébuleuse. Les tonalités roses et marron de la végétation situent ce paysage à l'automne, mais l'utilisation des couleurs permet aussi de restituer la douce clarté d'un soleil matinal voilé.


Peindre la neige


Un défi impressionniste


Parmi les sujets de prédilection des impressionnistes figurent les paysages de neige. Monet, dès les années 1860 et sur l'exemple de Courbet, peint de nombreuses visions de la nature enneigée en Normandie. A sa suite, Sisley, Pissarro ou Renoir s'y essaient tout au long des années 1870. Pour Monet, le défi culmine autour de 1879-1880, à Vétheuil, alors qu'un hiver particulièrement rigoureux plonge toute la région dans le froid et fait geler la Seine.


Le paysage enneigé est à la fois un véritable défi physique et un formidable terrain d'expérimentation picturale. Pour bien observer et rendre ses nuances, l'artiste doit en effet braver le froid et repousser ses propres limites pour peindre avant la fonte parfois rapide. La représentation de la neige permet aussi des recherches novatrices sur les ombres colorées. Lorsque la neige est éclairée par le soleil, les ombres formées par les objets se colorent de nuances de bleus, de roses d'orangés ou de violets que les peintres s'efforcent de représenter. Cette pratique leur attire les foudres de la critique conservatrice, habituée aux ombres brunes ou noires.


Enfin, la neige transcrit parfois un état émotionnel. Dans les vues de Vétheuil sous la neige règnent le dénuement, la solitude et le recueillement, alors que se superpose à l'événement climatique le drame personnel vécu par Monet - la mort de sa femme Camille.


Les paysages enneigés des impressionnistes donnent enfin la mesure de l'histoire en restituant au spectateur d'aujourd’hui, pour lequel la neige est rare, une nature et un climat qui ont beaucoup changé.



Alfred Sisley (1839 - 1899)

Temps de neige à Veneux-Nadon (vers 1880)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs du comte Isaac de Camondo, 1911



Alfred Sisley (1839 - 1899)

Sous la neige : cour de ferme à Marly-le-Roi (1876)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs Enriqueta Alsop au nom du docteur Eduardo Mollard, 1972


Une grande partie de cette toile est occupée par le ciel, très voilé, et par le manteau neigeux. Sol et ciel dialoguent, et Sisley anime ces surfaces par une palette très riche de blancs, de gris, de beiges et de bleus. Les touches séparées et fluides laissent aussi la surface claire de la toile apparaître par endroits. Le bâtiment, rappelé ici et là par des accents de couleurs chaudes, rehausse la composition et contraste avec les tons froids dominants.



Alfred Sisley (1839 - 1899)

La Côte du Cœur-Volant à Marly sous la neige (1877 - 1878)

Huile sur toile Paris, musée d'Orsay

Don du docteur et de Mme Albert Charpentier, 1951



Claude Monet (1840 - 1926)

Le Givre (1880)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs Gustave Caillebotte, 1894


Douce et mélancolique, l'atmosphère brumeuse matinale est traduite par une vibrante gamme de blancs, de roses et de bleus pâles. D'épaisses touches de blanc rehaussent la composition et renforcent l'éclat de la vibration lumineuse. La Seine parait pétrifiée, dépourvue de toute présence humaine, et la lumière estompe les contours des herbes, roseaux et peupliers, rendant plus imprécis cet onirique paysage devenu pure sensation.



Claude Monet (1840 - 1926)

Effet de neige à Vétheuil (1878 - 1879)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs Gustave Caillebotte, 1894


Entre 1878 et 1881, Claude Monet s'installe à Vétheuil, à l'ouest de Paris. Dans cette vue du village sous la neige, le silence règne, à peine troublé par une figure humaine. Monet traduit l'atmosphère d'un paysage d'hiver entièrement figé par le froid : le ciel est voilé et diffuse une faible lumière ambiante ; les couleurs, terreuses, sont celles de la nature endormie en hiver.

Toutefois, la neige très blanche et les ombres peintes en violet donnent au tableau - et au paysage - leur luminosité.


La campagne et les saisons


La métamorphose des campagnes d'lle-de-France tout au long de l'année passionne les impressionnistes, qui s'attachent à observer et à traduire dans leurs peintures ces changements liés aux variations de lumière selon les heures du jour, les saisons et les conditions météorologiques.


Le printemps ou l'automne sont ainsi porteurs d'un état de la végétation et d'une qualité de lumière spécifiques patiemment observés par les artistes. La silhouette serpentine d'un prunier recouvert de délicates fleurs blanches ou la fraîcheur estivale d'une forêt sont rendues par une riche gamme de couleurs et de multiples touches croisées ou superposées, transparentes ou opaques, qui traduisent aussi la vibration de la lumière. Les frondaisons des arbres permettent des effets luxuriants, créant ici des masses vibrantes aux multiples tonalités de vert, là de franches trouées de soleil sur un chemin de terre.


Les paysages de campagne témoignent aussi du regard posé par les impressionnistes sur la vie rurale. Pissarro, en quête de coutumes et de paysages authentiques, s'installe à Pontoise en 1872. Les nombreuses représentations de champs, vergers, potagers ou chaumières manifestent son intérêt pour le mode de vie traditionnel des paysans, fortement bousculé par l'industrialisation de l'Ile-de-France au 19e siècle.



Edouard Vuillard (1868 - 1940)

Le Jardin des Tuileries (vers 1894 - 1895)

Huile sur carton

Paris, musée d'Orsay

Don Zeineb et Jean-Pierre Marcie-Rivière, 2010


Le petit groupe des nabis émerge à l'automne 1888, à la jonction entre les recherches symbolistes et l'influence du synthétisme de Gauguin et Bernard.

Le Jardin des Tuileries de Vuillard témoigne du goût de ce groupe de peintres pour les estampes japonaises dont Vuillard reprend certains procédés : la composition décentrée, le tronc d'arbre placé au premier plan.



Alfred Sisley (1839 - 1899)

Une rue à Louveciennes (vers 1876)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs Gustave Caillebotte, 1894



Camille Pissarro (1830 - 1903)

Coteau de l'Hermitage, Pontoise (1873)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Acquis par dation en paiement de droits de mutation, 1983

 

Pissarro, qui a vécu à Pontoise entre 1866 et 1868, s'y réinstalle en 1872. La morphologie de cette commune proche de Paris change alors fortement : de petites usines s'implantent au bord de l'Oise, un pont métallique, que Pissarro a peint sur une autre toile, a été construit. Ici, c'est un mode de vie et une architecture ruraux préexistant à l'industrialisation qu'il choisit de représenter. La composition, constituée de plans enchevêtrés et de dynamiques simultanées, est particulièrement novatrice.



Camille Pissarro (1830 - 1903)

Chemin sous-bois, en été (1877)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs Gustave Caillebotte, 1894


Camille Pissarro (1830 - 1903)

Chemin montant à travers champs. 

Côte des Grouettes. Pontoise (1879)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs Gustave Caillebotte, 1894



Pierre Bonnard (1867 - 1947)

Paysage à la maison violette (vers 1929)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Don Zeineb et Jean-Pierre Marcie-Rivière, 2010


Impression, sensation, émotion


Au cours des années 1880, Monet, bientôt installé à Giverny en Normandie, abandonne progressivement les sujets modernes et l'iconographie des loisirs pour se concentrer sur des paysages « purs » et une nature plus sauvage. Explorant de nombreux sites et motifs, le peintre, solitaire et immergé dans la nature, laisse libre cours à l'expression de sa subjectivité et de ses émotions.


Monet transmet son émerveillement devant les beautés du monde et accentue volontairement les effets lumineux et colorés qu'il observe.


Au début des années 1890, il systématise sa pratique en choisissant de représenter un même motif - des meules dans les champs proches de Giverny ou les falaises du littoral normand - au fil des heures et des saisons. Habité par ses sujets, il travaille dans l'urgence et l'inconfort, commence ses toiles en plein air mais les achève et les harmonise patiemment en atelier, au travers du filtre de sa mémoire. Prenant le nom de « série », cette démarche transforme radicalement le rapport du spectateur à l'œuvre, qui s'apprécie désormais par la répétition et la comparaison d'une toile à une autre.


De son côté, Cézanne, proche de Pissarro à ses débuts et ayant exposé à deux reprises avec les impressionnistes, développe un autre chemin. Face aux paysages de sa Provence natale, il éprouve de fortes « sensations » colorées restituées par un jeu sur les formes et les couleurs qui se répondent entre elles et structurent la composition. L'enjeu n'est pas pour lui la saisie de l'éphémère mais au contraire l'expression de l'immuabilité de la nature méditerranéenne sous le soleil du midi.


Ces chemins parallèles d'observation et de représentation du paysage conduisent tous deux à la dissolution progressive du sujet et des formes dans la couleur. Ils ouvrent aussi la voie à de nouvelles générations d'artistes.



Claude Monet (1840 - 1926)

Meules, fin de l'été (1891)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Achat sur les fonds d'une donation anonyme canadienne, 1975


Les meules sont le premier motif étudié en série par Monet, qui les observe dans un champ à proximité de sa propriété à Giverny. La déclinaison lui permet d'étudier les variations d'un même paysage. Ses œuvres en séries sont destinées à être regardées ensemble et permettent d'apprécier une évolution.

La série débute à la fin de l'été, les Meules conservent ici une dimension descriptive et des détails qui disparaîtront dans les dernières œuvres, réalisées en hiver, aux formes dissolues.



Gros plan de Meules, fin d'été


Claude Monet (1840 - 1926)

Sur la falaise de Dieppe (1897)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Acquis par dation en paiement de droits de mutation, 2023


Monet revient ici à l'étude d'un motif déjà étudié par le passé, les falaises normandes, mais en 1897 la dissolution presque complète des formes dans la lumière conduit à une forme d'abstraction.

Seules quelques lignes déterminent les silhouettes des falaises et l'horizon. La palette a aussi beaucoup évolué : les couleurs se font plus intenses et Monet emploie ici des teintes iridescentes, quasiment inédites dans sa production, qui donnent à ses toiles une dimension contemplative.



Claude Monet (1840 - 1926)

Falaise de Fécamp (1897)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay


Retrouvé en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale et confié à la garde des musées nationaux en attente de restitution à ses légitimes propriétaires, 1950


Paul Cézanne (1839 - 1906)

Rochers près des grottes au-dessus du Château-Noir (vers 1904)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Acquis par dation en paiement de droits de mutation, 1978


Cézanne, comme les impressionnistes, étudie sans relâche « sur nature » - selon ses termes.

Les paysages devant lesquels il se place, dans les environs d'Aix-en-Provence, sont constitués d'éléments hétérogènes, solides et non solides, mobiles et immobiles : rochers, feuillage des arbres, troncs, ciel. Il s'efforce de les réduire à une commune essence, de les fusionner en une construction unique.

Le cadrage très resserré pousse ici cette synthèse quasiment jusqu'à l'abstraction.


Dépasser l'impression


Seurat, Signac et le néo-impressionnisme


En 1886, se tient la huitième et dernière exposition impressionniste, organisée par un groupe élargi de dix-sept artistes mais en l'absence notable de Monet, Sisley, Renoir et Caillebotte. Cette édition marque l'entrée sur la scène parisienne d'une génération de jeunes peintres soutenus par Pissarro. Georges Seurat, Paul Signac et Henri-Edmond Cross reprennent de leurs aînés le goût des scènes modernes et des paysages, la peinture claire et la touche fragmentée, mais cherchent une plus grande rigueur scientifique dans l'utilisation des couleurs.


Pour rendre la vibration de la lumière, les tons ne sont plus mélangés sur la palette : la peinture est appliquée directement sur la toile en petits points de couleurs pures, le mélange se fait dans l'œil du spectateur.

Les artistes jouent aussi des contrastes entre les couleurs dites « complémentaires » (jaune-violet, rouge-vert, orange-bleu) qui se renforcent l'une l'autre. En 1887, le critique Félix Fénéon donne le nom de « néo-impressionnisme » au nouveau mouvement.


Entre 1883 et 1886, Seurat travaille à des études très fouillées de paysages, de baigneurs et de promeneurs à l'ile de la Grande-Jatte, près d'Asnières, en banlieue parisienne. Lorsqu'il étudie un paysage, Seurat s'installe en plein air et peint sur de petits panneaux de bois par de vifs coups de brosse semblables à ceux des impressionnistes. Les toiles définitives sont, elles, réalisées en atelier par la lente et méticuleuse technique du petit point. Celle représentant Un dimanche après-midi sur l'île de la Grande-Jatte est exposée en 1888 à Bruxelles et suscite la curiosité de peintres étrangers - parmi lesquels le belge Théo Van Rysselberghe - qui adoptent alors cette technique.



Paul Signac (1863 - 1935)

Avignon. Soir. Le château des Papes (1909)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay



Théo Van Rysselberghe (1862 - 1926)

L'Entrée du port de Roscoff (1889)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay



Henri-Edmond Cross (1856 - 1910)

Les Cyprès à Cagnes (1908)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Don de la comtesse Vitali, 1923


En 1884, son installation dans le Midi de la France et sa rencontre avec Seurat incitent Cross à éclaircir sa palette. Il adopte la technique divisionniste, mais sa touche est plus souple et plus irrégulière, ses couleurs plus intenses et plus contrastées.

Il accentue aussi les arabesques, notamment dans les arbres. Dans cette toile, il crée un saisissant effet de lumière par un fort contraste entre les teintes qui structure entièrement la toile.



Gros plan Les Cyprès à Cagnes



Georges Seurat (1859 - 1891)

Allée en forêt, Barbizon (1883)

Huile sur bois

Paris, musée d'Orsay Don Philippe Meyer, 2000



Georges Seurat (1859 - 1891)

Lisière de bois au printemps (1882 - 1883)

Huile sur bois

Paris, musée d'Orsay Don Max et Rosy Kaganovitch, 1973



Georges Seurat (1859 - 1891)

Ruines à Grandcamp (1885)

Huile sur bois

Paris, musée d'Orsay

Restitué par l'Allemagne et confié par le ministère des Affaires étrangères à la garde des musées nationaux en attente de restitution à ses légitimes propriétaires, 1994


Seurat se rend dans le port de pêche de Grandcamp (Normandie) à l'été 1885 pour y réaliser sa première « campagne » de marines. Dans une douzaine de petits panneaux comme celui-ci, il acquiert une nouvelle expérience dans la construction des couleurs en coups de pinceau soigneusement divisés, où chaque touche correspond à une seule teinte. Pour traduire sa perception de la lumière, l'ombre des ruines n'est pas rendue par des bruns ou des noirs mais par des bleus, des verts sombres et des violets.



Paul Signac (1863 - 1935)

Herblay. Brouillard. Opus 208 (1889)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Achat grâce au soutien de Mme Ginette Signac et d'un amateur anonyme, 1958


D'abord influencé par Monet, Signac adopte ensuite la technique de Seurat, rencontré en 1884. Ce tableau compte parmi les chefs-d'œuvre du néo-impressionnisme. Signac séjourne à Herblay à l'été 1889 et réalise six vues de la Seine qui rendent toutes un effet atmosphérique précis ou une lumière particulière. Ici, il traduit un paysage immobile et serein, figé dans la brume légère qui monte du fleuve. La réussite tient à la symétrie de la composition, à l'homogénéité de la touche et à la gamme chromatique douce et restreinte.



Paul Sérusier (1864 - 1927)

La Barrière (1890)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay Don Henriette Boutaric, 1980



Paul Sérusier (1864 - 1927)

Les Laveuses à la Laïta (1892)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay Don Henriette Boutaric, 1980


En quête d'authenticité


Gauguin et la Bretagne


Plus jeune que les impressionnistes, Paul Gauguin se forme auprès d'eux et expose à leur côté de 1879 à 1886.


A partir de cette date, l'artiste séjourne à plusieurs reprises en Bretagne, notamment dans le petit village de Pont-Aven. Il y trouve une vie moins chère qu'à Paris mais aussi une société rurale et des paysages préservés de la modernité qui répondent à sa quête du « sauvage» et du « primitif ». Contre l'impressionnisme et son art de l'« impression » et de la « sensation », la peinture de Gauguin cherche la synthèse et l'harmonie. Sa vision de la couleur est plus abstraite et expressive. Avec le jeune peintre Émile Bernard, qui se rend également à Pont-Aven en 1888, Gauguin supprime le modelé et les ombres, simplifie les formes et utilise des couleurs pures.


Un autre jeune peintre, Paul Sérusier, découvre avec enthousiasme cette nouvelle voie lors de sa venue à Pont-Aven. En 1888 également, il peint sur le motif sous la direction de Gauguin. Ce travail fait forte impression sur ses camarades de l'académie parisienne Julian (Pierre Bonnard, Edouard Vuillard, Félix Vallotton, Maurice Denis, entre autres). Sérusier interprète ainsi le travail de Gauguin : « au lieu de copier la nature comme on la voit, on doit la représenter, la transformer en un jeu de couleurs vives, souligner les arabesques simples, expressives et originales pour le plaisir des yeux ». La synthèse formelle dégagée d'un paysage tout comme la valeur expressive des couleurs connaissent des développements féconds, comme en témoigne la présence ici d'une œuvre de Mondrian annonçant ses épures ultérieures.



Paul Gauguin (1848 - 1903)

La Fenaison en Bretagne (1888)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay Legs Paul Jamot, 1941


L'année où il peint cette Fenaison en Bretagne, Gauguin, installé à Pont-Aven, écrit à son ami Émile Schuffenecker : « Un conseil : ne copiez pas trop d'après nature. L'art est une abstraction : tirez-la de la nature en rêvant devant et pensez plus à la création qu'au résultat [...] ». Ici, le paysage n'est pas autant transformé en vision que dans d'autres toiles de la même période, mais on voit en quoi Gauguin s'éloigne de l'impressionnisme : il utilise de grands espaces colorés relativement uniformes, aplatit la distance et la profondeur, supprime les ombres portées.



Émile Bernard (1868 - 1940)

La Moisson (1888)

Huile sur bois

Paris, musée d'Orsay


La Moisson est une puissante illustration du style qu'Émile Bernard développe avec Louis Anquetin en 1887-1888 et qui influence fortement Gauguin.

Passionné d'art médiéval et d'estampes japonaises, Bernard compose son paysage par de larges zones colorées délimitées par des cernes sombres.

Ici, l'arrière-plan est basculé vers l'avant, toute la perspective est aplanie et la grande surface jaune du champ donne son rythme à la composition.



Piet Mondrian (1872 - 1944)

Meules de foin III (vers 1908)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay


De ses années de formation à l'académie des Beaux-Arts d'Amsterdam. Piet Mondrian peint en plein air et préfère les sujets simples des vaches dans un champ, la silhouette d'un moulin. Dans la nature, il s'intéresse aux rapports - de formes, de lignes, de couleurs - qui apparaissent plus nettement quand elle est représentée plus abstraitement. Comme chez les nabis, les éléments qui composent le tableau (ciel, meules, sol) sont ramenés sur un même plan. de façon à mieux faire apparaitre leurs relations.


La couleur et le rêve


Redon et les nabis


Par l'entremise de Paul Sérusier, l'aventure de Pont-Aven se diffuse à Paris. Autour de la « leçon » de Gauguin se réunissent les efforts de jeunes artistes (Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, Félix Vallotton ou Maurice Denis) qui cherchent eux aussi à dépasser l'impressionnisme.


Pour le groupe des nabis (« prophètes » en hébreu), l'observation de la nature ne doit pas donner lieu à une représentation illusionniste du monde mais être un point de départ vers des recherches plus abstraites et décoratives. « Se rappeler qu'un tableau, avant d'être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées », écrit Maurice Denis en 1890.


Dans leurs études de petit format, les détails des paysages disparaissent au profit de grands aplats de couleurs et de formes simplifiées et stylisées.


Sur le modèle de l'estampe japonaise, l'espace est aplati et les compositions décentrées et asymétriques.

Parmi les figures tutélaires des nabis figure également

Odilon Redon. Né en 1840, il appartient à la même génération que Monet et a participé à la dernière exposition du groupe en 1886. Il se tient néanmoins très à distance de l'esthétique impressionniste, qu'il juge trop attachée à la réalité. Proche du symbolisme littéraire et de Stéphane Mallarmé, Redon accorde une place majeure à l'imagination mais étudie aussi très précisément la nature, de façon à entremêler réalité observée et réalité ressentie, vue et vision.


Gauguin dit à son sujet : « les rêves chez lui deviennent une réalité par la vraisemblance qu'il leur donne ».



Maurice Denis (1870 - 1943)

Tache de soleil sur la terrasse (1890)

Huile sur carton

Paris, musée d'Orsay



Pierre Bonnard (1867 - 1947)

Paysage à la maison violette (vers 1929)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Don Zeineb et Jean-Pierre Marcie-Rivière, 2010



Félix Vallotton (1865 - 1925)

Clair de lune (vers 1895)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay



Odilon Redon (1840 - 1916)

Fuite en Égypte (non daté)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Legs Mme Ari Redon en exécution des volontés de son mari, fils d'Odilon Redon, 1982



Odilon Redon (1840 - 1916)

Le Chemin à Peyrelebade (non daté)

Huile sur papier contrecollé sur carton

Paris, musée d'Orsay

Legs Mme Ari Redon en exécution des volontés de son mari, fils d'Odilon Redon, 1982


Comme les impressionnistes, Redon a lutté contre l'enseignement académique et opposé aux formules d'atelier toutes faites l'observation de la nature, ses lumières, ses ombres, ses reflets. Il a participé à la dernière exposition impressionniste mais s'est toujours maintenu à distance du mouvement.

Chez Redon en effet, l'observation patiente de la nature chemine vers l'imaginaire. Dans cette Fuite en Égypte, certains procédés plastiques issus de l'impressionnisme - les ombres violettes, par exemple - servent à suggérer une apparition.




Monet/Leroy

 

À la fin de sa vie, dans son jardin de Giverny et autour de son bassin aux nymphéas, Monet se libère définitivement des conventions de l'art du paysage pour inventer une peinture d'un genre nouveau, à la limite de l'abstraction et faisant la part belle à de très riches effets de matières et d'empâtements colorés. Ces toiles où le motif semble disparaître marquent l'aboutissement de toute une vie de recherches visant à célébrer les couleurs de la nature et à peindre l'immatériel : la lumière et l'air. Peu appréciées de son vivant, ces dernières toiles ont ouvert la voie aux abstractions gestuelles et colorées du 20ème siècle.

 

Eugène Leroy (1910-2000), figure tutélaire du musée de Tourcoing depuis la donation reçue en 2009, n'a cessé d'observer la peinture de ses prédécesseurs. Dans son atelier de Wasquehal près de Lille, il peint avec les variations lumineuses : « Je me suis installé au grenier en faisant percer une verrière au Nord et une fenêtre au Sud : la lumière circule à travers. Et l'atelier est un peu comme si j'étais dehors. Et je place mes tableaux entre les deux fenêtres. » Il cherche à saisir les saisons et la lumière changeante en travaillant la matière par de multiples touches et empâtements, par des couleurs vives juxtaposées et superposées. Comme dans les toiles tardives de Monet, le sujet risque sa dissolution.



Claude Monet (1840 - 1926)

Saule pleureur (1920 - 1922)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay Don Philippe Meyer, 2000

 

Bordant le bassin de Giverny, le saule, cet arbre emblématique maintes fois représenté, est réduit à la simple forme de ses branches retombant sur le sol, sans que le tronc, le sol ou l'environnement alentour soient précisément représentés. Le peintre préfère une vision synthétique, celle des rameaux entremêlés, ondulants, notés par des traits de couleurs pures et vives, de jaune, violet, rouge et bleu, qui témoignent d'un geste et d'une technique très libres.


Complément



Gustave Courbet (1819 - 1877)

Paysage rocheux aux environs de Flagey (entre 1839 et 1877)

Huile sur toile

Dépôt du musée d'Orsay


Ce paysage de Franche-Comté, région natale et inépuisable source d'inspiration de Courbet, est une vue très large d'une plaine encerclée par une montagne. Les quelques maisons, seuls témoins d'une présence humaine, donnent l'échelle de la représentation. Contrairement aux nombreuses toiles de sous-bois peintes dans la même région, où l'horizon est fermé et l'espace saturé par la roche ou la végétation, la vue est ici dégagée et le paysage divisé en trois grandes zones : la plaine, le ciel et la bande rocheuse.



Henri Le Sidaner (1862 - 1939)

Place de la Concorde (1909)

Huile sur toile

MUba Eugène Leroy


Dans ce paysage urbain nocturne, on distingue l'obélisque, la fontaine, les candélabres ainsi que les fenêtres illuminées des majestueux palais à colonnades d'Ange-Jacques Gabriel. Leurs reflets sur le pavé mouillé occupent une grande partie de la toile. La touche divisée, caractéristique de la peinture postimpressionniste, souligne les effets de miroitements aux tons jaunes, roses et violacés.


Découvrir l'exposition 

Monet à Vétheuil 

aux Palais des Beaux-Arts de Lille