vendredi 23 juin 2000

jeudi 22 juin 2000

Fêtes et célébrations flamandes

Dans l'imaginaire collectif, la fête flamande est une kermesse truculente.

On y voit une foule de paysans aux activités variées, parfois déconcertantes (bagarres, tablées avec galettes et bières, enfants à gronder...). Loin de ce registre inoffensif, folklorique et figé, cette exposition propose une plongée dans les Flandres des XVIe et XVIIe siècles, grâce aux fêtes.



Les fêtes forment, dans les Pays-Bas espagnols, une riche réalité sociale et politique. Elles se déploient à la ville, à la campagne, publiquement mais aussi en privé ; elles mêlent les catégories sociales, de la foule aux princes ou leurs représentants, en passant par les édiles municipaux. Surtout, et c'est là un angle d'attaque inédit, la fête se dessine sur fond de guerre: le monde flamand est, entre le XVIe et le XVIIe siècles, toujours en conflit, ouvert ou larvé. Conflit religieux, lutte de l'Espagne pour garder sa prééminence, opposition entre provinces du nord et du sud... La cruauté des temps laisse soupçonner un caractère d'exutoire aux fêtes. Malgré cela, les fêtes escortent les batailles : entrées du prince saluées par des tirs d'arquebuses et de canons, fêtes des soldats qui ripaillent chez l'habitant, fêtes majestueuses du triomphe guerrier... et fêtes du retour à la paix après le conflit.




Guerre et fête: Rubens, le peintre de décors civils et religieux le plus important de sa génération, excelle dans leur évocation et fascine tous les artistes. La dynastie des Brueg(h)el développe des restitutions originales des évènements festifs : les puissants s'y mêlent à la population, suivant une vraie chorégraphie. Face à ces fêtes largement publiques, Jacques Jordaens tire son épingle du jeu comme interprète de la fête de l'épiphanie. « Le Roi boit ! », succès de la peinture « de genre » héroïsée, unit les registres: parodie du cérémonial princier, réflexion sur l'ordre social, jeu d'identités avec le spectateur qui peut se voir dans les protagonistes qui sont autant de portraits.


Les œuvres assemblées ici donnent le vrai visage d'une partie constitutive du patrimoine nordique et, par-delà, européen.



Les culs-de-jatte



Pierre Bruegel l'Ancien (1525/30-1569) Les Mendiants, dit aussi Les Culs-de-jatte (1568)

Signé et daté en bas à gauche: BRVEGEL M.D.LXVIII.

Huile sur bois 

Paris, musée du Louvre


La scène se situe probablement dans la cour d'un hospice recueillant les nécessiteux. Cinq estropiés forment une ronde en sautillant sur leurs béquilles. Derrière eux, une femme s'éloigne, tenant ce qui ressemble à une écuelle pour quêter l'aumône. Les pauvres invalides portent une étrange veste à queues de renard. Tous sont coiffés d'un couvre-chef particulier. Faut-il voir dans ces motifs l'allusion à une tradition populaire carnavalesque ?

Chaque mendiant représenterait alors une classe de la société corrompue vouée à sa perte. À moins qu'il ne s'agisse d'une évocation du Koppermaandag, fête annuelle des mendiants célébrée le lundi suivant l'Épiphanie.


Le chagrin et la joie des paysans


David Ill Ryckaert (1612-1661)

Boerenverdriet / Le Chagrin des paysans (1649)

Signé et daté dans le bas à gauche: Davide Ryckaert Fecit Antwerpiae

Huile sur toile

Vienne, Kunsthistorisches Museum, Gemäldegalerie


 Des paysans désespérés pleurent et se jettent aux pieds des soldats qui viennent de piller leurs maisons. A l'arrière-plan, une bâtisse se consume dans les flammes. Avec cette scène de genre en apparence anecdotique, Ryckaert entend dénoncer les exactions commises dans les campagnes par les troupes des Provinces-Unies ennemies pendant la guerre de Quatre-Vingts-Ans.

La scène est dramatique, l'artiste ne néglige aucun détail afin d'en accentuer le réalisme. L’émotion est accentuée par l'attention particulière portée à l'expression des visages. Ryckaert produit ici un chef-d'œuvre d'efficacité, grâce à sa grande maîtrise de la composition, du mouvement et du coloris.






David Ill Ryckaert (1612-1661)

Boerenvreugd / La Joie des paysans (Vers 1649)

Signé en bas à droite: Davide Ryckaert Fecit Antwerpiae. 

Huile sur toile

Vienne, Kunsthistorisches Museum, Gemäldegalerie 


Cette joyeuse fête villageoise est le pendant du Chagrin des paysans, également présenté ici.

Notez la composition en miroir des deux œuvres.

Les figures du premier plan sont soigneusement alignées, dessinées et éclairées. Elles sont peintes dans des couleurs claires et brillantes, en particulier le rouge vif, le rose tendre et le jaune pâle. Certains personnages sont communs aux deux tableaux : le paysan qui porte le trophée de chasse à l'extrême gauche est aussi l'homme captif dans l'autre tableau, à droite au premier plan.

Ryckaert a largement diffusé les thèmes paysans et les scènes de la vie quotidienne flamande, sujets pour lesquels il reçut de nombreuses commandes de mécènes et de membres de la cour.




La sauvagerie


École des Pays-Bas méridionaux

La Furie espagnole à Anvers en 1576

1576 - 1585

Huile sur toile

Anvers, Collectie MAS | Museum aan de Stroom


Le sac d'Anvers dure 4 jours, cause 8 000 morts et la ruine de la cité la plus opulente d'Europe.

Les Pays-Bas sont ravagés depuis deux ans par des soldats espagnols, qui se mutinent, faute d'être payés. La scène nocturne est jonchée de cadavres.

Les soldats entrent chez les habitants pour tuer, piller, violer, ripailler. Jetés dehors dans leur sommeil ou défenestrés, certains se réfugient sur les toits. Les bâtiments de la Grand-Place, l'hôtel de ville sont incendiés. Aucun détail du massacre n'est épargné au spectateur.

C'est un des motifs de la sécession des Pays-Bas, mais la cité connaîtra aussi la furie française en 1583 et le long siège de Farnèse en 1585.







Les joyeuses entrées



Pierre Paul Rubens (1577-1640)

Esquisse du char de triomphe de Kallo

1638

Huile sur bois

Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten En 1638, le cardinal-infant 

 

Ferdinand et ses troupes remportent une double victoire à Kallo (sur les Provinces-Unies) et à Saint-Omer (sur les Français). Suite à cet exploit, le magistrat d'Anvers demande à Rubens de concevoir un char pour son ommegang annuel.

L'artiste conçoit un navire d'où s'élève, à la place du mât, un tronc chargé de trophées et flanqué de deux Victoires ailées. Trois captifs sont accroupis au centre, tandis que les figures allégoriques de la Providence, des cités d'Anvers et de Saint-Omer, de la Vertu romaine et de la Fortune occupent l'avant et l'arrière du bateau.




Les Ommegangs


L'infante Isabelle


Antoine Sallaert (1594-1650)

L'infante Isabelle abattant l'oiseau au concours de tir des arbalétriers de Notre-Dame, le 15 mai 1615 au Sablon à Bruxelles

1616-1621

Huile sur toile

Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique



L'infante, dotée du don d'ubiquité, apparaît à 3 endroits sur ce tableau, ici au pied du mat



Au balcon



Dans son carrosse

Les festivités du papegai en 1615 à Bruxelles



En quête perpétuelle de légitimité, les Habsbourg participent volontiers aux fêtes locales. Le 15 mai 1615, l'archiduchesse Isabelle, qui est alors souveraine des Pays-Bas avec son mari Albert, participe au concours annuel des arbalétriers de Notre-Dame de Bruxelles. Elle tire et remporte le papegai, soit un concours qui consiste à viser un oiseau de bois fixé au clocher de l'église du Sablon. Des festivités suivent et l'ommegang local, réunissant la ville entière, rend hommage à l'exploit.


Selon la légende, cet ommegang trouve son origine dans la « translation » (transfert) d'Anvers à Bruxelles d'une statue miraculeuse de Marie, prise sous la protection des arbalétriers de Notre-Dame, et dont l'histoire est racontée dans la suite de tapisseries d'après Bernard van Orley. Des personnages y sont représentés sous les traits des Habsbourg, associant déjà la famille régnante à la confrérie.




L'Ommegang du 31 mai 1615

Une série de 6 grands tableaux dont 2 exposés à Lille





Atelier de Denis van Alsloot (vers 1568-1625/26) et d'Antoine Sallaert (1594-1650)

L'Ommegang de 1615, le défilé des métiers sur la Grand-Place de Bruxelles

1616-1620

Huile sur toile

Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique 


Chaque année, l'ommegang de Bruxelles célèbre l'arrivée d'une vierge miraculeuse ramenée d'Anvers en barque, et déposée dans la chapelle du Sablon, sous la garde des arbalétriers. Au fil du temps, cette fête se développe en mêlant sacré et profane.

Elle réunit aussi tous les corps constitués de la ville, défilant les uns à la suite des autres, parmi lesquels les différents métiers, reconnaissables à leurs enseignes (visibles sur cette toile), et les corporations de tir (toile suivante). L'ommegang de 1615 est marqué par la présence de l'infante Isabelle, gouvernante des Pays-Bas, alors qu'elle avait été proclamée « Reine » du « Grand Serment des Arbalétriers bruxellois ».



Atelier de Denijs van Alsloot (vers 1568-1625/26)

et d'Antoine Sallaert (1594-1650)

L'Ommegang de 1615, le défilé des corporations de tir sur la Grand-Place de Bruxelles

1616-1620

Huile sur toile

Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique





L'Ommegang de Bruxelles en 1615. 

Peint par Denis van Alsloot en 1616. Musée du Prado



Alexander van Bredael (1663 - 1720)

L'Ommegang avec le géant Druon Antigone sur le Meir

1697

Signé et daté en bas à gauche Alexander van Bredael F 1697

Huile sur toile

Lille, Musée de l'Hospice Comtesse 


Le premier dimanche après le 15 août, un cortège était dédié à Notre-Dame dans la ville d'Anvers.


Cette tradition, qui a commencé dès 1398, se déroulait suivant un protocole précis, à l'issue duquel le « tour » ou ommegang débouchait sur la Grand-Place. Le tableau nous montre la foule et les représentants des différents corps de métiers réunis autour du géant Druon Antigone, d'animaux marins, de barques et d'un grand navire. Cet emblème des bateliers évoque la puissance maritime et financière d'Anvers, première cité portuaire d'Europe.


La baleine est l'emblème de la corporation des graissiers. Son huile est alors très prisée pour l'éclairage et la fabrication de différents produits (peinture, savons...). Avec les personnifications du Mont Parnasse, Pégase ou Apollon et ses neuf muses, elle domine ce grand spectacle urbain, moment fort de l'année civile et religieuse.



Alexander Casteels le Jeune (vers 1665-1716 ou après)

L'Ommegang sur le Meir

Fin XVIIe siècle

Huile sur toile

Anvers, Collectie MAS | Museum aan de Stroom



Alexander Casteels le Jeune (vers 1665-1716 ou après)

L'Ommegang sur la Grand-Place à Anvers

Fin XVIIe siècle

Huile sur bois

Anvers, Collectie MAS | Museum aan de Stroom




Têtes de géant




D'après Pieter Coecke van Aelst (1502- 1550)

Tête du géant Druon Antigone

1534

Papier mâché, bois, métal et cheveux

Anvers, Collectie MAS | Museum aan de Stroom 

 

Cette tête est celle de Druon Antigone, le géant de la ville d'Anvers. On raconte que ce géant réclamait de l'argent aux marins qui voulaient naviguer sur le fleuve de l'Escaut et tranchait la main de ceux qui ne voulaient pas payer. Il finit par être tué par un soldat romain, Silvius Brabo, qui lui coupa la main et la jeta dans le fleuve. C'est ainsi que serait né le nom Antwerpen (Anvers), découlant de hand (= main) et werpen (-jeter).

Ces grands personnages de papier et d'osier qui symbolisent leur ville sont des figures importantes du folklore du Nord de la France et de la Belgique.

Ils peuvent incarner des héros historiques ou légendaires, voire des figures locales. Portés par des hommes ou tirés sur un chariot, ils sortent et dansent dans les rues les jours de fête.



D'après Daniel III Herreyns (1720-1791)

Tête de la géante

Pallas Athena

1765

Papier mâché, bois, métal et cheveux Anvers, Collectie MAS | Museum aan de Stroom


Arbalète et collier



Arbalète de confrérie


Collier d'une corporation de tir

Les feux de la Saint Martin


Marten van Cleve l'Ancien (1527 - 1581)

Les Feux de la Saint-Martin

Huile sur bois

Dunkerque, Musée des Beaux-Arts 


Saint Martin, venu évangéliser les Flandres, aurait perdu son âne dans les dunes. Pour remercier des enfants de l'avoir retrouvé, saint Martin aurait transformé les crottes de l'âne en volaeren (sorte de brioches). L'évocation de cette légende est encore particulièrement vivace en Flandre. Les enfants défilent derrière le saint et son âne avec des lanternes en papier. À une époque plus ancienne, les lanternes étaient faites avec des betteraves sculptées. Dans ce tableau, seule la bannière représentant un personnage fait référence à saint Martin. La fête est ici suggérée par un grand feu de joie autour duquel les villageois sont rassemblés.


Danse de noces



Jan Brueghel l'Ancien (1568-1625)

Danse de noces

Vers 1600

Huile sur cuivre

Bordeaux, Musée des Beaux-Arts 


Les fêtes paysannes constituent le sujet de nombreuses peintures flamandes dont les plus célèbres représentations reviennent certainement aux Brueghel. Odes au bonheur et à la vie, les représentations des mariages racontent aussi les rares occasions festives dont les paysans profitaient sans retenue, lei, on danse au son de la cornemuse, on s'embrasse... Seule la mariée, reconnaissable à sa couronne et au voile noir tendu derrière elle, semble contrariée. Elle récolte l'argent, nécessaire à l'installation du couple, mais son assiette, contenant les offrandes, n'est pour le moment pas très remplie !


Banquet de noces


Jan Brueghel l'Ancien (1568- 1625)

Banquet de noces présidé par les archiducs Albert et Isabelle

1612-1613

Huile sur toile

Madrid, Museo Nacional del Prado 


Albert et Isabelle se rendaient, à l'occasion, à des fêtes et des noces villageoises. Dans le tableau, destiné à orner leur palais bruxellois, les archiducs sont les invités d'honneur à un banquet de mariage rural. Ils sont placés à droite de la mariée, assise au centre, sous un baldaquin de paille. Aucun débordement n'est visible. La scène offre une image idéalisée de la vie à la campagne, montrant des paysans prospères mais modestes et respectueux.

Elle vise à célébrer la paix et l'harmonie qui règnent aux Pays-Bas grâce à l'action des souverains.





La kermesse de Saint Georges


Pierre Brueghel le Jeune (1564-1638)

La Kermesse de la Saint-Georges

Début du XVIIe siècle

Huile sur bois

Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten 

 

La kermesse de Saint-Georges était célébrée le 23 avril et fut longtemps très populaire.


Saint Georges, qui combattit le dragon, était vénéré au titre de sauveur et de saint patron des chevaliers et des archers. C'est sous la protection de sa bannière que l'on festoie. Ici, les villageois sont rassemblés pour la messe mais aussi pour danser, tirer à l'arc, boire et manger.


En dépit des apparences, ces scènes ne relèvent pas que du divertissement. Elles mettent en garde contre les nombreux excès et les tentations, et ont donc également une fonction moraliste.







Kermesse, théâtre et procession


Pierre Brueghel le Jeune (1564-1638)

Kermesse avec théâtre et procession

Huile sur bois

Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique 

 

Cette œuvre, typique de la dynastie brueghelienne, offre une riche narration.


Au centre de la toile, les villageois se pressent pour voir la farce de la femme et de son amant, surpris par le mari caché dans un panier de colporteur. Autour d'eux se déroulent d'autres petites scènes grivoises et cocasses. Ici, un homme presse contre lui une femme qui n'est sans doute pas la sienne; là, une paysanne dévoile ses fesses en dansant la farandole; un peu plus loin, deux moines demandent leur chemin vers une maison close.

Ces moments de fête offrent une liberté jubilatoire, balaient les conventions et renversent l'ordre établi pour un temps donné. Quitte à dépasser certaines limites ! Derrière le désordre apparent, ces corps qui grouillent et virevoltent disent à la fois la joie, la bêtise, le désir. L'artiste flamand dépeint ainsi avec humour et non sans ironie les faiblesses du genre humain.








Théâtre de rue

Pieter Bout (1640/1645-1689)

La Foire au village (1676)

Signé et daté dans le bas - vers le milieu : P. bout AN° 1676

Huile sur toile

Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique





Carnaval


Erasmus de Bie (1629-1675)

Carnaval sur le Meir à Anvers

Vers 1660

Huile sur toile

Ixelles, musée d'Ixelles





Arbre de mai


Pierre Brueghel le Jeune (1564-1638)

L'Arbre de Mai

Vers 16201630

Signé au bas au centre : P. BREVGEL

Huile sur bois

Genève, Musée d'art et d'histoire. Don de feu Roger et Françoise Varenne, 2008

 

L'arbre de mai autour duquel dansent les villageois, est le mât érigé au centre de la place du bourg.


Pierre Brueghel le Jeune le représente ici sous sa forme la plus épurée, simplement coiffé d'une couronne végétale. Cette coutume découle d'une tradition païenne qui remonterait au XIe siècle.


Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, de jeunes hommes célibataires coupent l'arbre qui sera décoré de rubans puis placé sur la place du village. Parfois, il est remplacé par un mât, comme nous le montre ici l'artiste. Selon les régions, les pays, des variantes de cette tradition existent, mais la trame reste la même : célébrer le renouveau et l'abondance du printemps.


Fêtes de cour, fêtes des rois




Si la fête flamande est, bien souvent, marquée par la guerre, la célébration de l'Épiphanie - connue sous le nom « Le Roi boit! » - est, elle, rendue par les artistes en une image parodique d'une fête de cour. Là où princes et princesses, avec leurs courtisans, évoluent avec grâce, au son du luth, les peintres nous montrent des figures grimaçantes, bruyantes, sales...


« Le Roi boit ! », chef-d'œuvre de Jacques Jordaens des années 1630, doit beaucoup aux kermesses villageoises. Il constitue leur transposition domestique, à l'heure où la prospérité patricienne s'affiche en privé et dans l'entre-soi. La toile de Jordaens est une revendication: celle de faire vraiment la fête, loin des solennités princières et édilitaires qu'elle singe allègrement.


L'ironie sauvage et bruyante de « Le Roi boit ! » montre la vertu disruptive de la fête - objet de règlements et réglages - mais malgré ces efforts, elle est l'occasion sans cesse renouvelée de débordements et la manifestation de vitalité profuse.


Le désordre des fêtes a bien une histoire. C'est dire s'il ne faut pas simplifier l'art, si riche, des fêtes flamandes.



Verre siffleur



Pays-Bas méridionaux

Gobelet à surprise appelé aussi gobelet à moulin ou en néerlandais

« Molenbeker »

XVIIe siècle

Argent, or et verre

Lille, Musée de l'Hospice Comtesse, Achat Edmond Lagille 

 

Les gobelets à moulin sont des objets à usage exclusivement convivial, utilisés dès le XVIe siècle lors des réunions de famille, banquets ou mariages.

Lorsque le buveur soufflait dans le tube, les ailes du moulin tournoyaient. Le jeu consistait à vider la coupe avant que les ailes ne s'arrêtent. L'aiguille de l'horloge tournait également et annonçait le buveur suivant.

La plupart des gobelets à facéties mettent en scène des couples: à l'entrée du moulin, la meunière attend son mari qui gravit les marches.

Toutefois ce qui se joue ici est apparemment une scène d'adultère car un troisième personnage entre en scène. Le mari, placé au milieu, tente de chasser l'amant ou l'intrus coiffé d'un casque de l'armée espagnole.

Ce détail révèle un aspect plus subversif de l'objet pouvant évoquer également la révolte des Pays-Bas espagnols et le développement du protestantisme qui sera durement réprimé.