dimanche 11 juin 2000

Claude Monet à Vétheuil

Vétheuil est un charmant village situé sur une boucle de la Seine, à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Paris. Il domine la plaine de Moisson et le hameau de Lavacourt, juste de l'autre côté de la rivière.


Dominé par l'église Notre-Dame et ceinture de vergers, le village compte alors environ six-cents habitants et se trouve à plus de dix kilomètres de la première gare. On y vit principalement d'arboriculture (pommiers, poiriers, pêchers, pruniers et surtout cerisiers). Vétheuil est une occasion pour Monet de mettre à l'épreuve son talent de paysagiste. Il prend d'abord comme motif l'église et l'intérieur du village puis s'éloigne bien vite pour des points de vue plus éloignés où le village n'est qu'esquissé, voire totalement absent. Le plus souvent, il prend le bac qui permet pour quelques centimes de traverser la Seine et de disposer d'un point de vue distant. En juin 1880, Monet expose 18 toiles chez Georges Charpentier, dont la majorité représente Vétheuil et ses environs. Lorsqu'il revient peindre le village à l'été 1901, il se cantonne au hameau de Lavacourt, de l'autre côté de la Seine, Vétheuil même, où est enterrée Camille, lui rappelant trop de mauvais souvenirs. Cette deuxième « campagne » de Vétheuil sera le dernier séjour de l'artiste dans le village et sonne comme un adieu tout en couleurs. Six de ces toiles peintes lors de cette deuxième « campagne » seront exposées a la galerie Bernheim-Jeune en février 1902.


Lorsque Claude Monet s'installe à Vétheuil en 1878, ses finances connaissent une sérieuse chute depuis quelques mois. Il gagne alors moins d'argent que cinq ans auparavant, à peine 12 000 francs dans l'année, soit l'équivalent de 40 000 € d'aujourd'hui. Ses faibles revenus ne lui permettent pas d'entretenir correctement sa famille, d'autant que les Hoschedé, ruinés, sont également à sa charge. Ses comptes s'améliorent à partir de 1881, ce qui le décide à déménager à Poissy mais c'est surtout à partir de 1898 que les ventes de ses œuvres lui procurent une très grande aisance (il a pu acheter en 1890 la maison de Giverny qu'il louait depuis 1883). Lorsqu'il revient peindre à Vétheuil en 1901, il est devenu riche et en 1912, ses revenus annuels sont estimés d'après ses livres de compte à près de 370 000 francs, soit plus de 1 200 000 euros d'aujourd'hui !



Claude Monet

La Seine à Vétheuil. Effet de soleil après la pluie (1879)

Huile sur toile. Paris, musée d'Orsay

Legs Comte Isaac de Camondo, 1911

RF 1998


Avant les jours sombres à venir, Monet réalise une vingtaine de toiles représentant la belle saison à Vétheuil, il se concentre sur ce bras de la Seine en aval du village entre les iles de Moisson, vue des berges ou de son bateau-atelier. La touche est fragmentée dans les frondaisons et plus large dans le reflet miroir de l'eau qui forme un glacis transparent nuancé de couleurs allant du bleu au jaune.



Église de Vétheuil (1879)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Donation Max et Rosy Kaganovitch, 1973

RF 1973 18


L'église vue de face, les palissades et les entrées de jardins au bord de la Seine ainsi que le petit pavillon rond permettent d'identifier l'endroit d'ou Monet a peint cette vue enneigée. L'artiste suggère les formes et traite subtilement la lumière en apposant des nuances de roses et de bleus dans la neige au premier plan. Ce tableau a été acheté par son ami Caillebotte qui savait Monet en difficultés financières.


L'hiver 1879-1880 est particulièrement rigoureux. Dès la mi-novembre, Vétheuil et la région parisienne connaissent de sévères gelées, puis des chutes de neige et enfin un froid polaire à partir du 10 décembre 1879, avec des températures atteignant - 25°. La Seine gèle et la couche de glace atteint rapidement 50 cm. C'est le phénomène dit de l'embâcle, c'est-à-dire l'obstruction complète d'un cours d'eau. Mais le pire est à venir. Un redoux brutal s'annonce dès la fin du mois de décembre provoquant un dégel très rapide et une montée des eaux d'1,5 m en quelques heures : des blocs de glace emportent tout sur leur passage, berges, arbres, ponts. Vétheuil est touché le 5 janvier 1880 au matin et Monet se précipite à l'extérieur, où il est frappé par « la beauté navrante » du paysage. Passionné par les aspects visuels de cette catastrophe, il réalise une quinzaine de toiles sur le sujet, en très peu de temps, la débâcle prenant fin dans la journée du 8 janvier.



Les Glaçons (1880)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

Donation baronne Eva Gebhard-Gourgaud, 1965

RF 1965 10


C'est Marcel Proust dans le roman Jean Santeuil (1896-1899) qui décrit le mieux la débâcle de la Seine peinte par Monet : « Voyez comme tout miroite, comme tout est mirage par ce dégel : vous ne savez plus si c'est de la glace ou du soleil, et tous ces morceaux de glace brisent et charrient les reflets du ciel, et les arbres sont si brillants qu'on ne sait plus où l'on est, si c'est le lit d'un fleuve ou la clairière d'un bois ».



La Débâcle (1880)

Huile sur toile

Lille, Palais des Beaux-Arts

Don Denise Masson, 1976 - Inv. P 1891


« Nous avons eu ici une débâcle terrible et, naturellement, j’ai essayé d'en faire quelque chose », écrit Monet au docteur Bellio le 8 janvier 1880. Ce tableau représente une vue depuis la berge de Vétheuil, avec le village de Lavacourt à l'arrière-plan, à demi-caché par les arbres de l'ile Musard. L'artiste est à l’évidence fasciné par le chaos provoqué par les forces de la nature. Peut-être aussi ce spectacle de désolation, dans la lumière diffuse d'un jour gris, correspond-il à la tristesse profonde qui l’accable, quelques mois seulement après la mort de sa femme.



Vétheuil, le matin (1901)

Huile sur toile

Lille, Palais des Beaux-Arts

Legs Maurice Masson, 1949 - Inv. P. 1733


Monet revient donc à Vétheuil à l'été 1901, dans de toutes autres dispositions d'esprit. Il est riche désormais et s'y rend avec la nouvelle voiture acquise en décembre 1900, une Panhard et Levassor conduite par son chauffeur. Il peint depuis Lavacourt de l'autre côté de la Seine, sans doute depuis le balcon de Madame de Chambry, une amie du temps de son premier séjour à Vétheuil.



Vétheuil, soleil couchant (1901)

Huile sur toile

Paris, musée d'Orsay

RF 2006


Monet explore toutes les possibilités d'un motif, toujours le même désormais, le village de Vétheuil, dominé par son église et les côteaux qui le couronnent.

Il réalise une série de toiles de format identique et presque carré, les subtiles différences provenant des effets atmosphériques et lumineux. Le village semble flotter comme un souvenir, au milieu de couleurs tendres, bleues, vertes et roses.


Les 150 ans de l'Impressionnisme


En 2024, le ministère de la Culture et le musée d'Orsay fêtent les 150 ans de l'Impressionnisme. En parallèle à l'exposition Paris 1874, Inventer l'impressionnisme qui se tient à Paris du 26 mars au 14 juillet 2024, quelque 180 œuvres prêtées exceptionnellement par le musée d'Orsay seront à découvrir dans 34 musées de France.


Parmi les musées bénéficiant ainsi de la générosité d'Orsay, référence mondiale de la peinture impressionniste et postimpressionniste, cinq grands musées de la région Hauts-de-France ont souhaité s’unir autour d'une saison commune intitulée Printemps Impressionniste.


La Piscine de Roubaix

Les enfants impressionnistes du musée d’Orsay

Du 17 février au 26 mai 2024


Le Musée de Picardie d'Amiens

Sur la plage impressionniste. Dans l'œil d'Édouard Manet

Du 16 mars au 16 juin 2024


Le MUba Eugène Leroy de Tourcoing

Peindre la nature, paysages impressionnistes du musée d'Orsay

Du 16 mars au 24 juin 2024


Le Musée de la Chartreuse de Douai

Monet-Duhem, l'impressionnisme à Douai

Du 27 mars au 24 juin 2024


Le Palais des Beaux-Arts de Lille

Monet à Vétheuil

Du 11 avril au 23 septembre 2024


D'autres œuvres



Gustave Courbet (Ornans, 1819 - La Tour-de-Peilz, Suisse 1877)

La Meuse à Freyr

Huile sur toile (vers 1855 - 1856)

Acquis par l'État, envoi de l'état, 1849

Inv. P 522


Ce paysage a sans doute été peint en 1856 lors du voyage de Courbet en Belgique. Ces falaises impressionnantes ont séduit l'artiste, elles ressemblent à celles d'Ornans, son village natal. Courbet soigne les effets de matière et de lumière. La rivière est traitée dans une matière lisse qui rend compte de la limpidité de l'eau. L'herbe est grasse et dense. La matière des falaises de grès posée au couteau en couche épaisse les rend massives et écrasantes. Courbet a toujours été très proche de la nature, il veut y être fidèle dans sa manière de peindre. Ce tableau est un exemple fascinant de réalisme.



Alfred Sisley (Paris, 1839 - Moret-sur-Loing, 1899)

En hiver, effet de neige

Huile sur toile (1876)

Don de Denise Masson, 1974

Inv. P 1895


L'hiver et son climat attirent particulièrement Sisley. Le plus français des peintres anglais arpente les villages des rives de la Seine pour rendre compte d'une sensation éprouvée. Fidèle au principe fondateur de l'impressionnisme qui veut que les artistes peignent « sur le motif », c'est-à-dire en plein air et non en atelier, Sisley s'intéresse aux variations climatiques et aux effets de lumière et de couleurs que cela produit sur le paysage qu'il observe. Il parvient ici à un bel équilibre entre les variations subtiles du blanc de la neige et la sensation de profondeur rendue par une route qui trace une ligne plus sombre s'enfonçant dans le tableau.



Auguste Renoir (Limoges, 1841 - Cagnes-sur-mer, 1919)

Route de Versailles à Louvenciennes

Huile sur toile (1895)

Legs Maurice Masson, 1949

Inv. P 1735


Louveciennes est un village situé à 17 kilomètres de Paris où les parents d'Auguste Renoir s'installent en 1868, à la suite des bouleversements urbains parisiens.

Renoir est séduit par cette ancienne route royale qui relie Versailles à Saint-Germain-en-Laye. Elle permet d'intéressants points de vue par sa localisation en hauteur et ses deux rangées de grands arbres qui créent une intéressante perspective. Néanmoins, à la date d'exécution de ce tableau, ce n'est plus la topographie qui intéresse Renoir, mais l'affirmation de la campagne et tout ce qu'elle propose de variations infinies de couleurs et de motifs.



Claude Monet (Paris, 1840 - Giverny, 1926)

Le Parlement de Londres

Huile sur toile (1904)

Legs de Maurice Masson, 1949

Inv. P 1734


Monet se rend plusieurs fois à Londres entre 1900 et 1901. Il observe à travers le fameux brouillard londonien (le fog) des bâtiments emblématiques de la capitale anglaise, dont le Parlement. Pourtant, le véritable sujet de cette toile, c'est la lumière et les variations atmosphériques qui dissolvent les formes du parlement néo-gothique dans la lumière dorée qui le baigne. Grâce à de subtils effets de couleurs Monet parvient à rendre les effets grisâtres du brouillard si particulier de Londres. De retour dans son atelier de Giverny, Monet peindra 15 Parlement de Londres, tous du même format et tous saisis à différents moments de la journée.



Pierre Bonnard (Fontenay-aux-Roses, Hauts-de-Seine 1867 - Le Cannet, Alpes-Maritimes 1947)

Paysage, Le Cannet

Huile sur toile (1924)

Dépôt du musée d'Orsay, 1999

Inv. D 99.1.1


Comme de nombreux peintres du début du 20e siècle, Pierre Bonnard se prend de fascination pour la lumière et les paysages méditerranéens.

Dès 1911, il se rend plusieurs mois sur la côte d'Azur où il s'installe définitivement en 1925, peu après l'élaboration de ce tableau.

Ce paysage en format portrait est traité avec une grande liberté. Les couleurs sont vibrantes et les formes à peine identifiables. Pierre Bonnard ne cherche pas ici à donner à voir une vision architecturalement réaliste du paysage mais plutôt l'atmosphère qu'il dégage et son aspect continuellement changeant.



Georges Seurat (Paris, 1859 - Paris, 1891)

Paysage à Grandcamp

Huile sur bois (1885)

Dépôt du musée d'Orsay, 1995

Inv. D 995.2.1/ MNR 1005


En mettant au point la nouvelle technique du pointillisme, qui juxtapose de petites touches de couleurs pures sans les mélanger, Georges Seurat devient le chef de file des néo-impressionnistes. C'est l'œil grâce au mélange optique qui restitue la variété des couleurs.

Le but de Seurat n'est pas ici de représenter un paysage (malgré le titre !) mais de rationaliser les sensations sous une forme plastique et susciter l'émotion avec une œuvre immobile et intemporelle.

Ce tableau est un MNR (Musée Nationaux Récupération). Cette mention identifie les biens spoliés durant la Seconde Guerre Mondiale et confiés aux musées nationaux, en attente de leur restitution à leurs légitimes propriétaires.

jeudi 8 juin 2000

La visite guidée au MUba

 

Ce samedi 8 juin 2024, nous étions 19 pour cette visite guidée, au MUba de Tourcoing des 58 tableaux impressionnistes prêtés par le musée d'Orsay de Paris.


La visite débute par un auto portrait de Claude Monet


Cet auto portait est fixé à côté d'un tableau d'Eugène Leroy qui est la figure emblématique du musée de Tourcoing


On poursuit par une œuvre de Charles François Daubigny intitulée " Moisson "




" En Hollande, les barques près du moulin " peint par Johan Barthold Jongkind en 1868








Projection des Nymphéas et des meules de Claude Monet dans la salle immersive




Peindre la neige


Une toile de Caillebotte qui soutiendra financièrement de nombreux artistes impressionnistes avant de peindre lui-même


Auguste Renoir incite à la contemplation



Au fil de la Seine












La fin de l'exposition se termine avec à nouveau une juxtaposition avec un tableau d'Eugène Leroy et une œuvre de Claude Monet. Cette toile très abstractive fait partie des dernières réalisations de Claude Monet à Giverny, atteint de la cataracte, c'est l'une des rares de la série que le peintre n'ait pas détruite.




Fin de visite autour du catalogue de l'exposition, au fond on devine une dernière toile " Le paysage rocheux autour de Flagey " peint par Gustave Courbet